Translation for "noms identiques" to spanish
Noms identiques
Translation examples
Je ne puis pas. Je ne veux pas avouer pourquoi j’ai quitté en courant la maison de don Jerónimo de Azcoitía, coup de pied d’un carabinier qui n’arrive pas à m’attraper, et je me jette dans le flot de voitures recroquevillées sous l’averse, qui remplissent la chaussée, au voleur, au voleur, coups de sifflet qui appellent d’autres carabiniers, et les occupants des voitures reviennent de voir le dernier film avec Jeanne Moreau et vont manger un steak et de la purée de pommes de terre : ils me voient dans l’éventail dégagé par leur essuie-glace, freine, merde, j’ai faim, l’avoir, on ne voit rien avec cette pluie, voyou de merde, bon Dieu ce qu’il a pu pleuvoir cette année, ils me voient à un mètre de distance dans la lumière des phares que griffe la pluie, dissous dans la pluie, mais l’essuie-glace me restitue, me restitue et me restitue la solidité qui me manque, pour qu’ils puissent me voir, un bout d’homme qu’on dirait aveugle, les cheveux trempés, trempé tout entier à la seconde de notre coup de frein, fuyant à tâtons parmi l’assaut des voitures qui le serrent de près, les carabiniers furieux donnant des coups de sifflet sur le trottoir, frustrés dans leur autorité, le fantoche poursuivi dansant comme une hallucination dans les lumières rouges qui lui mordent les mollets tandis qu’il fuit entre les Citroën qui patinent, les Ford qui se choquent, qui donnent des coups de klaxon, voyou, saleté, et cette trombe qui ne se calme pas, freine, attention, Hernán, tu vas l’écraser, qu’est-ce que j’en ai à foutre, il a failli me faire emboutir ma Renault toute neuve, mais il s’est déjà perdu derrière la Morris là-bas dans la pluie du parc, et il ira se cacher à la rivière, mais je ne suis pas un voleur, mère Benita, je le jure, on ne voit pas son propre nom car on a le droit d’en disposer pour en faire ce qu’on veut – profiter d’un de ces jours d’hiver où il fait nuit de bonne heure pour brûler tous mes papiers, tous mes noms identiques et répétés, sans laisser la moindre trace, je les jetterai de ce pont de fer noir dans le lit de pierre et, après m’être laissé tomber jusqu’ici, j’allumerai une feuille ou deux, un cahier peut-être pour me réchauffer un peu les mains, car il fera froid.
No puedo. No quiero confesar por qué salí corriendo de la casa de don Jerónimo de Azcoitía, la patada de un carabinero que no logra agarrarme, y me tiro al caudal de autos achaparrados bajo el chubasco, que llenan la calzada, ladrón, ladrón, pitazos que llaman más carabineros, y en los autos ellos vuelven de ver ésa nueva de la Jeanne Moreau y van a comer bistec con puré de papas: me ven en el abanico despejado de sus limpiaparabrisas, frena, mierda, casi choco, no se ve nada con esta lluvia, roto de mierda, por Dios que ha llovido este año, me ven a un metro de distancia en el foco de luz que la lluvia rasguña, disuelto en la lluvia pero el limpiabrisas me devuelve y me devuelve y me devuelve y me devuelve y me devuelve la solidez de que carezco, para que ellos puedan verme, un hombrecito como ciego, el pelo empapado, empapado entero en el segundo de nuestra frenada, huyendo a tientas entre el acoso de los autos que lo aprietan, los carabineros furiosos en la vereda piteando frustrados en su autoridad, el fantoche perseguido bailando como una alucinación en las luces rojas que le muerden las pantorrillas mientras él huye entre los Citroen que patinan, los Ford que chocan, que bocinean, roto de porquería y esta manga que no amaina, frena, cuidado, Hernán, que vas a matarlo, qué me importa a mí si casi me hizo chocar mi Renault nuevecito, pero ya se perdió detrás del Morris allá en la lluvia del parque y se irá a esconder en el río, pero yo no soy ladrón, madre Benita, se lo juro, uno no roba su propio nombre porque uno tiene derecho a disponer de él para lo que quiera, aprovechar uno de esos días de invierno cuando oscurece temprano para quemar todos mis papeles, todos mis nombres idénticos y reiterados, sin dejar ni una huella, los tiraré desde este puente de fierros negros al cauce de piedra y después de descolgarme hasta aquí encenderé una hoja, dos, un cuadernillo quizá, para calentarme las manos un poco porque hará frío.
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